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"Winter disease" chez la daurade : approches préventives et gestion de la « maladie » Logo Feedia

La daurade royale, Sparus aurata, "le javelot d'or" en latin, est un poisson emblématique de la Méditerranée. Réputée pour sa chair blanche, délicate et douce, la daurade est présente "en portion" dans les assiettes de tous les restaurants de fruits de mer méditerranéens. Sa consommation est très ancienne dans la région, comme l'attestent les mosaïques de la Rome antique, qui présentent des images détaillées de daurades, ou les preuves archéologiques du commerce de daurades séchées, il y a 3 500 ans, de la lagune de Bardawil, en Égypte, vers le Moyen-Orient. (Sisma-Ventura Guy et al., 2018.) 

Traditionnellement, la daurade était élevée dans de vastes lagunes côtières, appelées "vallicoltura" en Italie ou "hosha" en Égypte, dans lesquelles les humains exploitaient sa migration saisonnière de la mer vers les lagunes en empêchant son retour à la mer. Grâce à ses puissantes mâchoires et dents, l'espèce est bien adaptée à l'aquaculture extensive car elle est capable de se nourrir de diverses niches trophiques, des proies molles comme les polychètes ou les poissons aux crustacés ou mollusques protégés et même aux plantes benthiques (Chaoui et al. 2005). Dans la nature, les jeunes poissons rejoignent au printemps les lagunes de basse mer, où la production naturelle et la température sont élevées, et retournent en hiver dans les eaux profondes et calmes pour se reproduire. Aujourd'hui, la daurade est l'une des deux principales espèces cultivées en Méditerranée, avec le bar européen Dicentrarchus labrax. En 2017, la production aquacole en Méditerranée, basée sur les cages marines, a atteint environ 110 000 tonnes.

Le froid : le talon d'Achille de la daurade royale

Les éleveurs méditerranéens le savent : par rapport au bar européen, la daurade royale est plus sensible à la baisse de température. Dans la nature, cette sensibilité peut être combattue par un comportement migratoire. Lorsque la température baisse, la daurade quitte la zone côtière pour rejoindre des eaux profondes plus chaudes et plus stables où elle se reproduit. Le frai a lieu entre décembre et janvier et les juvéniles rejoignent la zone côtière pour se nourrir dans des biotopes plus productifs. La daurade est un hermaphrodite protandre, ce qui signifie qu'elle est un mâle fonctionnel pendant les deux premières années de sa vie avant de devenir une femelle. L'inversion des sexes se produit vers la deuxième ou la troisième année et a une incidence sur le comportement migratoire : avec l'âge, les daurades ont tendance à rester dans des eaux plus profondes. L'aquaculture en cages marines rendant la migration impossible, les daurades sont confrontées à des conditions difficiles en hiver, car les paramètres de l'eau de surface fluctuent en fonction des conditions météorologiques : la baisse de la température et l'instabilité de la salinité entraînent une perturbation du métabolisme caractérisée par une série de symptômes appelés "winter disease" ou "winter syndrome". 

Le terme "disease" (maladie) peut prêter à confusion : la "winter disease" n'est pas causée par un agent pathogène, il s'agit d'une pathologie multifactorielle entraînant une perturbation du métabolisme, un dysfonctionnement des organes et une immunosuppression. Les agents pathogènes peuvent profiter de l'affaiblissement du poisson, mais ils n'en sont pas la cause. Les scientifiques (Ibarz, Antoni & Padrós, 2010), décrivent deux types de syndromes : une mortalité chronique de décembre à février, lorsque les températures sont inférieures à 12°C et une seconde associée à la présence d'infections par Pseudomonas anguilliseptica, caractérisée par une mortalité aiguë, généralement début mars et avril lorsque les températures remontent à 15 - 17°C.  Les symptomes sont divers : des branchies pâles, une opacité cornéenne ou un tube digestif distendu peuvent être remarqués, mais le principal est un foie pâle et friable, un signe de stéatose. (Ibarz, Antoni & Padrós 2010)

Des études sur des populations sauvages en Algérie (Chaoui et al. 2005, Chaoui et al. 2006, Chebel, Fateh & Mezedjri, 2018) apportent des informations précieuses pour comprendre les changements métaboliques survenant avec les variations de température : 

  • À partir de novembre, lorsque la température descend en dessous de 15°C, la consommation d'aliments diminue, pour aboutir à une période de jeûne en décembre lorsque la température avoisine les 11°C. 
  • La période d'octobre à décembre est caractérisée par une gamétogenèse intense.
  • L'indice hépatosomatique, le rapport poids du foie/poids corporel, augmente à partir du mois d'août en réponse à l'activité alimentaire intensive et diminue concomitamment à la gamétogenèse. 
Winter disease in gilthead seabream

Ces évolutions se reflètent dans le facteur de condition K, où K = (poids du poisson/longueur du poisson^3)*100), tout au long de l'année (figure 1). Les facteurs de condition élevés sont associés à des poissons charnus, tandis que les facteurs de condition faibles sont associés à des poissons maigres. La gamétogenèse influence positivement le facteur de condition, car les gonades représentent environ 14% du poids corporel total en décembre (Chaoui et al. 2005). Les auteurs concluent que dans la nature, la daurade a un modèle d'alimentation saisonnier et que son activité alimentaire intense en été lui permet de stocker de l'énergie et des nutriments dans le foie, qui sont ensuite transférés dans les gonades lorsque l'activité alimentaire diminue. Cette stratégie n'est pas propre à la daurade royale, car le stockage de nutriments dans le foie pendant une période d'alimentation intensive, en préparation d'une remobilisation ultérieure pour la gamétogenèse, est un facteur clé de l'investissement reproductif et de la production maternelle chez plusieurs poissons marins (Murzina et al., 2012). Cependant, dans le cas de l'élevage de daurades, la gestion de l'alimentation orientée vers la croissance et le confinement peut interagir négativement avec les processus métaboliques alignés sur un modèle migratoire. 

Comme nous l'avons vu plus haut, un foie pâle et friable est l'un des principaux symptômes de la "winter disease". Il convient de mentionner que le foie est un organe central dans l'homéostasie des poissons : il joue un rôle important dans le stockage de l'énergie et le métabolisme des lipides, mais il est également impliqué dans diverses fonctions vitales telles que la digestion, la purification du sang, la désintoxication, le métabolisme énergétique, la reproduction, l'immunité, etc. L'altération des fonctions hépatiques aura un impact sur la capacité globale du poisson à faire face à son environnement, le rendant plus vulnérable aux menaces environnantes. 

Les scientifiques (Ibarz, Antoni & Padrós, 2010) ont rapporté que le foie endommagé de la daurade souffrant de la "winter disease" est lié à une accumulation rapide de lipides provenant du stockage adipeux dans les muscles et les viscères vers le foie. Si la graisse est essentielle, tout excès peut être préjudiciable. Ajouté au ralentissement métabolique causé par la baisse de température, et qui ne peut être atténué par la fuite vers des eaux plus profondes et plus chaudes, dans l'environnement d'élevage, cela peut être "de trop" pour la daurade . Le dépôt excessif de lipides altère d'autres fonctions hépatiques telles que celles énumérées ci-dessus, ce qui entraîne une mauvaise santé générale du poisson. Cet effondrement métabolique est l'essence même de la "winter disease".

Si l'élevage en cage ne permet pas à l'industrie de suivre le comportement naturel de la daurade, il est possible d'ajuster les pratiques pour atténuer l'impact de la "winter disease". La nutrition et, par extension, la gestion des aliments sont les principaux paramètres qui peuvent être adaptés pour réduire le risque de stéatose et faire correspondre le profil nutritionnel aux besoins hivernaux en constante évolution. 

La daurade est connue pour être un "poisson vorace" : les mytiliculteurs du sud de la France les ont surnommés "Piranhas" dans un journal local, en référence à leur tendance à former des bancs et à effectuer des raids ou "razzia" sur les colonies de moules. Leur métabolisme est adapté pour consommer de grandes quantités d'énergie en été, mais cette capacité est radicalement altérée par la baisse de température : Il est important d'adapter l'apport nutritionnel en conséquence.

L'approche de Techna : une stratégie en trois volets

La nutrition doit suivre le rythme métabolique des poissons et non l'inverse. C'est pourquoi Techna a développé une approche holistique pour réduire l'incidence de la "winter disease" et aider les éleveurs à améliorer leurs performances.

  • Le premier aspect consiste à repenser la nutrition de la daurade en fonction de son mode d'alimentation saisonnier : avec deux spécifications distinctes pour l'été et l'hiver. Dans les conditions commerciales, il n'est pas souhaitable d'affamer les poissons pendant de longues périodes. Techna propose de réajuster les nutriments afin de couvrir les besoins spécifiques et d'éviter les surplus.
  • Un autre aspect important est la fourniture d'énergie en fonction de la température de l'eau et du rythme métabolique des poissons. Equilibrer un régime alimentaire est une chose, mais s'il est trop distribué, tous les avantages disparaissent. C'est pourquoi Techna a développé des tables d'alimentation spécifiques. 
  • Enfin, certains extraits de plantes ont la capacité de favoriser le métabolisme des lipides et de protéger le foie. Techna a développé un additif spécial pour soutenir le métabolisme des daurades et les aider à passer la saison hivernale. 

La "winter disease" est un problème complexe. Conscient qu'il ne peut être géré avec une solution simple, Techna a mobilisé son expertise en nutrition et en additifs alimentaires pour proposer aux industriels aquacoles une approche multidimensionnelle avec des actions synergiques. Avec ces trois piliers (formulation des aliments, utilisation d'additifs et table d'alimentation), Techna accompagne les fabricants d'aliments dans la création d'un programme d'alimentation complet conçu pour répondre à cette problématique. La relation entre la daurade et les habitants du bassin méditerranéen est très ancienne, alors que l'aquaculture moderne est très jeune. Techna souhaite contribuer à l'effort général de l'industrie aquacole pour développer des pratiques durables et, dans le respect des particularités métaboliques de la daurade, fournir aux clients finaux le "javelot d'or" sain et délicat.

Pour plus d'informations, n'hésitez pas à questionner nos experts Techna !
 

Bibliographie :

  • Chaoui, Lamya & Derbal, Farid & Kara, Hichem & Jean-pierre, Quignard. (2005). Alimentation et condition de la dorade Sparus aurata (Télestoei, Sparidae) dans la lagune du Mellah (Algérie Nord-Est). Cahiers de Biologie Marine. 46. 221-225. 
  • Chaoui, Lamya & Kara, Hichem & FAURE, ERIC & Jean-pierre, Quignard. (2006). Growth and reproduction of the gilthead seabream Sparus aurata in Mellah lagoon (north-eastern Algeria). Scientia Marina. 70. 
  • Chebel, Fateh & Mezedjri, Lyamine & Mostefa, Boulahdid. (2018). Reproductive cycle of the Gilthead sea bream Sparus aurata Linnaeus, 1758 (Pisces Perciformes Sparidae) in the Gulf of Skikda (Algerian East coast). 9. 
  • Djebar et al., 2003, Equilibre hydrologiques du lac Mellah (complexe lacustre d’El Kala)
  • Ibarz, Antoni & Padrós, Francesc & Gallardo, Maria & Fernández-Borràs, Jaume & Blasco, Josefina & Tort, Lluis. (2010). Low-temperature challenges to gilthead sea bream culture: Review of cold-induced alterations and 'Winter Syndrome'. Reviews in Fish Biology and Fisheries. 20. 539-556. 10.1007/s11160-010-9159-5.
  • Murzina, Svetlana & Ottesen, C. & Falk-Petersen, Stig & Hop, Haakon & Nemova, Nina & Poluektova, Oksana. (2012). Oogenesis and lipids in gonad and liver of daubed shanny (Leptoclinus maculatus) females from Svalbard waters. Fish physiology and biochemistry. 38. 1393-407. 10.1007/s10695-012-9627-z. 
  • Sisma-Ventura Guy et al., 2018, Tooth oxygen isotopes reveal Late Bronze Age origin of Mediterranean fish aquaculture and trade, Scientific Reports (2018).

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